Échaudé par la faculté de Christine à deviner la destination avec trois fois rien comme informations, je n'ai donné aucun indice, à personne, encore moins sur Facebook (où Christine a des espions), à part la distance : moins de cent kilomètres. Le jour venu, nous prenons la route, comme d'habitude guidés par le GPS. L'itinéraire traverse la forêt de Tronçais et nous amène au coeur de l'Allier. L'entrée du parc du château est à quelques kilomètres du village d'Ygrande. Étonnamment, le chemin qui mène au château est à peine carrossable et bien boueux à cause des pluies incessantes de ces derniers jours.

Château d'YgrandeNous sommes accueillis très civilement par une jeune femme qui nous conduit à notre chambre, au premier étage, par un grand escalier en pierre. Celle-ci est immense, haute de plafond et garnie avec goût de meubles anciens. Il y a un grand lit, un canapé (qui doit servir de lit d'appoint), un bureau et deux fauteuils confortables. Les hautes fenêtres sont garnies de double vitrage mais laissent malheureusement passer l'air, d'autant plus que c'est presque la tempête à l'extérieur. La salle de bains est très grande aussi, mais peu chauffée. La robinetterie est art déco, en forme d'angelots. Comme à l'accoutumée, je prends quelques photos avant que nous mettions le bazar en déballant les bagages.

Puis nous sortons faire un tour dans le parc, bravant le fort vent et la bruine. Tout à côté du château du début du XIXe, entièrement rénové, se trouve un haras car le lieu est aussi un centre équestre réputé dans la région. Nous sommes accompagnés dans notre promenade par deux braques très énergiques. Quand nous rentrons à l'hôtel, découragés par le temps, je fais une bêtise qui, j'espère n'aura pas de conséquences : mes doigts inertes et froids laissent échapper mon appareil photo, dont l'objectif rencontre durement les cailloux de la cour, laissant des traces indélébiles sur le verre.

Une fois revenus au chaud nous découvrons l'intérieur de l'hôtel. Sa décoration et son ameublement font plus penser à la maison de quelqu'un qu'à un hôtel. Des cheminées où brûlent de belles bûches diffusent une chaleur agréable. Dans le salon, de hautes bibliothèques remplies de livres de toutes sortes confirment que nous sommes bien chez le propriétaire. D'ailleurs son bureau est aménagé dans le salon, seulement séparé par un grand paravent. Beaucoup d'objets et de trophées d’animaux rappellent que le lieu a dû servir (et sert peut-être encore) de relais de chasse. La salle à manger est répartie sur deux petites pièces, préservant une certaine intimité et gardant une taille mesurée.

Château d'YgrandeNous nous installons dans des fauteuils confortables auprès d'une cheminée, autour d'une table basse elle aussi couverte de livres sur la région. Nous choisissons deux thés rares et inconnus de nous dans une carte de thés et cafés presque aussi fournie qu'une carte des vins ! C'est pour des moments comme ceux-là, avec Christine, que j'aime venir dans de si beaux hôtels de caractère. À un moment le propriétaire sort de son bureau, nous salue aimablement et, spontanément, nous demande si nous désirons une part de gâteau. Sur un geste de sa part, la jeune femme à l'accueil nous apporte une assiette chacun. C'est une vraie attention car ce modeste supplément ne sera pas facturé. Cette impression d'être invités par un hôte et non pas d'être simplement à l'hôtel est particulièrement agréable et se confirmera dans la soirée. C'est la première fois que nous goûtons ce genre de plaisir dans un hôtel de cette classe.

Après avoir dégusté les excellents thés nous remontons dans la chambre. Il fait toujours aussi frais dans la salle de bains, où il semble que le seul chauffage soit assuré par un chauffe-serviettes.

À 19h30 nous descendons pour le dîner. L'hôtesse qui nous a accueillis à l'arrivée nous guide vers notre table, près de la cheminée. Le personnel de service est pléthorique mais stylé et discret : l'un nous apporte la carte (celle de Christine ne comporte pas les prix, c'est un bon point), une autre nous apporte des amuse-bouches et c'est le propriétaire en personne qui vient prendre la commande. Il n'hésite pas à expliquer les plats, en particulier les ormeaux de l'île de Groix, que choisit Christine. Il avertit que le goût et la texture peut surprendre la première fois, malgré le raffinement du plat. La sommelière prend notre commande : nous choisissons une bouteille d'eau gazeuse Châteldon, l'eau de Louis XIV qu'on ne trouve que dans certains grands restaurants. Un jeune serveur (apprenti ?) nous apporte le pain. Les mets sont raffinés, élaborés et délicieux. Certains convives (mâles) n'ont pas eu la correction de s'habiller correctement, c'est dommage.

Château d'YgrandeChristine ne souhaite pas prendre un café après le dîner et nous montons directement dans notre chambre.

Le lendemain matin, le petit déjeuner est un pur enchantement. La plupart des produits sont faits maison, parfois au château même (confitures et yaourts, par exemple). Une des hôtesses propose des oeufs cuits de différentes façons. Je choisis une omelette qui est préparée sous mes yeux. Le buffet est complet, avec même du saumon fumé et des fruits frais. Un moment particulièrement plaisant. Et, pour une fois, le prix du petit déjeuner vaut largement le coup.

Nous quittons l'hôtel sous une pluie fine, après ce court séjour qui restera un des plus mémorables jusque-là. Christine, qui aime toujours regarder une vraie carte Michelin plutôt que faire confiance au GPS, s'aperçoit que notre route passe non loin du château de Bannegon. Ce château est connu dans la région pour sa manifestation médiévale au mois d'août où se retrouvent jeux, joutes et spectacles du Moyen-âge. Nous décidons de faire un crochet pour aller le visiter. Nous y arrivons sous une forte pluie, le village et le parc sont déserts et nous avançons en voiture jusqu'au fossé entourant l'édifice. Le décor a un côté lugubre qui sied bien aux vieilles pierres. Le temps de faire quelques photos et nous sommes trempés. Nous reprenons la route et arrivons à Bourges en début d'après-midi.

Château de Bannegon