Lancé officiellement le 30 juin 1982, le Minitel était un terminal informatique passif destiné à la connexion au service français de Vidéotex, baptisé Télétel. Les cinquante-cinq premiers utilisateurs furent équipés gratuitement en juillet 1980, à Saint-Malo. Le premier service disponible fut l'annuaire électronique gratuit. Grâce à lui, il devenait possible d'obtenir sans sortir de chez soi le téléphone et l'adresse de n'importe qui en France, et pas seulement de son département.

Le service culmine au milieu des années 90 avec 6 millions de terminaux, 25 millions d'utilisateurs et plus de 100 millions de connexions par mois. La connexion se faisait grâce aux fameux numéros 3611, 3515 et 3617. Tout le monde ou presque a sans doute oublié les ancêtres qu'étaient le 3613 (communication payée par le service appelé) et le 3614 (communication au tarif local). L'avènement du 3615 début 1984 a apporté une immense manne financière aux opérateurs à cause de la surfacturation à la minute : plus la consultation était longue, plus la facture grimpait. Ce système a fait spécialement la fortune des services du Minitel rose. Le plus connu était 3615 ULLA, dont les publicités s'étalaient en grand sur tous les panneaux publicitaires. Les années fastes, le chiffre d'affaire de ces services érotiques pouvait monter à 180 millions de francs pour un coût d'à peine 30 millions. Des grands noms de l'Internet font fortune avec le Minitel rose, comme Xavier Niel, le fondateur de Free.

Bien que le Minitel ait préparé les Français à l'arrivée du web grâce à l'utilisation du clavier et de l'écran, à la messagerie, à la vente par correspondance, aux tchats et aux pseudonymes, il est communément admis que le Minitel a freiné l'arrivée d'Internet en France car l'état et les industriels étaient soucieux de protéger qui, leurs investissements, qui, leurs bénéfices colossaux.  Les opérateurs facturaient très cher l’accès au Web. En parallèle, l’Etat poussa France Télécom à créer un appareil liant Minitel et Internet, qui n’a jamais rencontré le succès.

3615 ULLAIl y eut une dizaine de modèle différents de Minitel. Le premier modèle possédait un clavier alphabétique (ABCDEF) déroutant pour les habitués des claviers des machines à écrire ou des terminaux informatiques (AZERTY). Ce clavier malcommode a été vite abandonné au profit de la norme AZERTY.

400.000 irréductibles l'utilisaient encore début 2012, dont beaucoup de personnes âgées, non équipées d'ordinateur et d'Internet, mais aussi des agriculteurs, des buralistes, des chaînes de supermarchés qui utilisaient encore les services du 3615 pour passer des commandes ou même des médecins qui télétransmetaient les feuilles de soins. Les Minitel devenus désormais inutiles peuvent être rapportés dans une boutique Orange, à Emmaus ou chez tout autre repreneur de déchets électroniques. ils seont normalement recyclés dans une déchetterie pour matériel électronique.

Le Minitel a été pour moi une révélation. Je l'ai découvert lors d'une période de chômage début 1986, dans la Somme. C'était avant la généralisation du 3615 (qui a tué la convivialité des origines), à l'époque où régnait le 3614 et, mieux, le 3613, où c'était le service appelé qui payait ! Les services n'avaient pas encore des noms parlants (ou très peu) et il fallait taper des suites de chiffres pour y accéder, ressemblant grosso modo à une adresse IP de maintenant. J'ai découvert les forums conviviaux où on se retrouvait jusqu'à six à la fois dans des "salons" dédiés à tous les sujets possibles et imaginables. Les forums les plus en vue faisaient une chasse féroce aux tentatives de récupération pornographique ou pour la drague. Ces "lieux" étaient donc des espaces de discussion et de rencontre fabuleux. Mon forum de prédilection s'appelait "Privilège". On y accédait en tapant 118001882 sur le 3614. J'y passais des heures chaque jour, faisant grimper sacrément la note de téléphone. Des amitiés (virtuelles) se créaient, selon les affinités. Mon meilleur pote avait comme pseudo Dr Follamour et habitait Enghien. Il y avait aussi Julie, Alien, Alioth, Moeb, Anais, de Dieppe, Paris, Nancy, etc. J'ai même rencontré IRL Dr Follamour, à Paris.

Un de nos jeux favoris était de créer des animations (comme une araignée traversant l'écran ou un visage clignant des yeux) sur les écrans des personnes connectées dans le même "salon", en tapant au clavier des suites absconses de codes Teletex. A la moindre erreur il fallait tout recommencer. Exemple : un oiseau qui traversait l'écran était codé par $7e\o/$7e$08$08$08$08$08_____$0a$5f/o\$5f$08$08$08$08$08\/\/\@$08$08$08$08$08_____$0a

L'intérêt de ces premiers forums a décliné lorsque les administrateurs ont commencé à échanger des minutes gratuites de connexion sur le 3614 par des minutes payantes sur le 3615. Très rapidement j'ai abandonné le système, à regret. Mais j'avais le virus des communications à distance, et je me suis lancé à corps perdu dans la CB, les BBS, puis Internet, dès novembre 1996.

Minitel au rebut