L'idée nous trottait dans la tête depuis un bon moment, mais nous ne nous sentions pas les reins assez solides pour inviter seuls, au nom de Brug Arvor, un bagad entier. L'opportunité s'est concrétisée après la Saint-Yves de 2011 grâce à une dame de la paroisse Saint-Henri dont le beau-frère joue dans le bagad. Celui-ci, après consultation des musiciens, a donné son accord de principe pour leur venue le premier weekend de septembre, date de la Fête des marais.

Joël, l'un de nos musiciens, se charge de la communication entre Brug Arvor et Nominoë. Rapidement un planning est établi : nous souhaitons que le bagad défile rue Moyenne samedi après-midi, puis anime la "Fête des lucioles" le soir dans les marais, et enfin joue sur scène lors de la "Fête des marais" le dimanche. Si des musiciens de Brug Arvor le souhaitent, ils pourront défiler derrière le bagad, à condition d'apprendre les airs qui seront joués à ce moment-là. Pour ce faire, le président de Nominoë envoie par mail les partitions.

Bagad NominoëLe défilé rue Moyenne impose d'obtenir l'autorisation de la mairie. Je fais donc un courrier, qui reste sans réponse de longues semaines. Lassé, je finis par appeler pour m'entendre dire que l'autorisation est refusée. Plutôt que d'argumenter au téléphone, je demande un rendez-vous avec la maire-adjoint déléguée au commerce et à l'artisanat. Et là je comprends que ce qui a motivé le refus est le paragraphe de ma lettre où j'indique que le bagad s'arrêtera au milieu de la rue Moyenne pour faire danser les danseurs de Brug Arvor ! Je fais marche arrière sur ce point, acceptant de défiler sans arrêt jusqu'à la place Étienne Dolet. Quelques jours après je reçois une lettre autorisant cette fois le défilé aux conditions négociées lors de l'entretien : de 16h00 à 16h30, sans arrêt, avec habillage et répétition à la Maison des associations.

Au fil des semaines le projet s'affine, nous convenons de participer à hauteur d'une participation modeste car, même si le budget global est conséquent, nous n'avons aucun revenu, contrairement à Patrimoine marais qui couvre ses frais par le sponsoring, les subventions et la vente sur place. Le conseil d'administration de Brug Arvor se réunit environ une fois par mois pour faire le point. Courant juillet, lors de la dernière réunion avant les vacances, nous nous mettons d'accord sur l'hébergement des musiciens, sur la répartition des tâches pour la préparation du déjeuner du dimanche à Bellevue, et sur la participation des musiciens à l'initiation aux danses bretonnes, prévue dimanche en fin d'après-midi, après le départ du bagad. Comme d'habitude, un compte-rendu écrit est envoyé aux membres du conseil d'administration.

Bagad NominoëNotre retour de vacances se fait une semaine seulement avant la Fête des marais. Je suis contrarié car mon entorse risque de fortement m'handicaper pendant cette fête. Christine et moi passons le dimanche à faire un point précis de ce qu'il reste à faire, des coups de fils à passer, des mails à envoyer, etc. Le lundi Christine reprend le boulot mais pas moi, je peux donc passer tous les coups de fil nécessaires. J'appelle d'abord la Maison des associations où personne n'est au courant que nous avons besoin de la plus grande salle pour nous préparer samedi ! Cela signifie que la mairie ne leur a pas transmis l'info. Cela se réglera heureusement deux jours plus tard : la grande salle nous est allouée, qui plus est gratuitement. J’appelle ensuite la mairie pour savoir où garer l'autocar des Bretons et confirmer que tout est en place pour le défilé du samedi. Après m'être fait balader entre plusieurs interlocuteurs j'apprends que les arrêtés municipaux ne sont pas prévus ! Alors que j'ai l'autorisation écrite de l'adjointe au maire depuis le mois d'avril... La dernière personne qui me parle est efficace et me rappelle pour me dire que les arrêtés ont été rédigés et sont à la signature, avant de m'être envoyés. Heureusement qu'ils n'étaient pas indispensables car je les attends toujours un mois après...

Le jeudi précédent l'arrivée des Bretons nous faisons une dernière réunion pour régler les ultimes détails. La veille, j'apprends par hasard et par une redirection de mail que trois musiciens, dont le coordinateur de la musique et un autre membre du conseil d'administration, ne rempliront pas leurs engagements concernant la préparation du repas du dimanche et, pire, ne viendront pas jouer dimanche après-midi ! Pour ce désistement je n'ai reçu ni SMS, ni mail, ni lettre, ni appel téléphonique ! Je suis furieux de ce que je considère presque comme une trahison : ne pas respecter ses engagements, sans prévenir, aussi près d'un évènement aussi important que la venue de ce bagad est tout simplement irresponsable et inqualifiable. Pris de court, nous redistribuons la préparation des viandes et espérons que Solène voudra bien venir jouer pour sauver l'initiation aux danses.

Bagad NominoëLe rendez-vous est prévu à 14h30 à la Maison des associations. Dès 14h00 nos danseuses arrivent sur place et commencent à se coiffer et s'habiller. Le bus arrive avec vingt bonnes minutes de retard. Le temps que les musiciens déchargent leurs instruments et fassent connaissance avec nous, une rapide collation est disposée dans la salle qu'on nous a allouée. Mais la plupart des musiciens n'y touchent pas car il leur faut quarante-cinq minutes de chauffe pour les instruments, spécialement pour les grandes cornemuses. Les sonneurs de cornemuses et de bombardes descendent dans la cour et commencent à chauffer leurs instruments. Seuls les percussionnistes profitent des boissons offertes.

Un peu avant 16h00, Solène me dépose en voiture place Victor Hugo, à l'arrivée du bagad. Malheureusement avec ma béquille et mon attelle, je ne peux espérer suivre le défilé et je suis contraint de les attendre à des endroits stratégiques. La rue Moyenne est pleine de monde mais plutôt des badauds qui font leurs courses plutôt que des gens qui attendent le bagad. Le temps passe et je ne vois rien venir, ni n'entends de musique. Enfin les premiers sons de cornemuse me parviennent. Je me place au milieu de la rue clopin-clopant et tout à coup je vois les bannières apparaître, suivies des sonneurs de Nominoë et des sonneurs de Brug Arvor. C'est impressionnant et tellement bien que j'en ai des frissons. Les musiciens avancent au pas cadencé, à bonne allure. Derrière eux défilent nos danseurs en costumes, y compris deux petits gamins, eux aussi costumés. Et derrière le cortège s'allonge une grande file de curieux, attirés par la musique !

Bagad NominoëLa place Étienne Dolet est encombrée par des joueurs de basket. Encore un manquement de la mairie, qui a oublié de nous prévenir. Les sonneurs et les danseurs font donc une pause devant le porche de la cathédrale, le temps d'une aubade. La foule de curieux grossit encore autour d'eux. Puis le cortège se déplace vers le jardin de l'archevêché et le parquet de danses à côté de la buvette. Nous y trouvons comme prévus les danseurs de l'association Bourges XIXème mais qui n'ont pas l'air d'être prévenus non plus. Après une petite explication avec les responsables, ceux-ci acceptent mal gré plutôt que bon gré de nous laisser la place pour quelques danses. J'avais négocié cette possibilité avec l'adjointe au maire rencontrée en avril mais apparemment nous nous étions mal compris... Puis notre troupe continue vers le fond des jardins, rendant le parquet aux personnes âgées, certaines mécontentes  de cette interruption dans leur train-train hebdomadaire. Les musiciens donnent quelques aubades jusque vers 17h00, heure prévue pour la répartition de nos invités dans les familles d'accueil.

Nous nous chargeons de deux jeunes garçons, un peu timide, qui nous remercient de leur offrir à manger ! En discutant un peu avec eux nous découvrons que le bagad n'a jamais été accueilli dans des familles comme ça va être le cas. Pour nous c'est tout naturel, mais pour eux visiblement pas. D’ailleurs tous ont apporté leur sac de couchage, en cas d'hébergement sommaire.

Bagad NominoëLe repas se passe de façon très agréable, les jeunes musiciens se détendent et parlent musique avec Solène. Comme il faut de nouveau quarante-cinq minutes de chauffe aux sonneurs, le rendez-vous est à 20h00 à côté du restaurant "Le Caraqui", non loin de la place des Frênes. Le public qui arrive à pied semble un peu surpris de croiser des musiciens bretons dans les marais.

À 21h00 je clopine vers la place des Frênes, pour attendre le bagad qui va défiler pour signifier le début de la "Fête des lucioles". Quand ils se mettent en marche il fait nuit et ils arrivent sur la place à la lumière des lampions. La foule est nombreuse pour les écouter. Après quelques morceaux joués à l'arrêt ils se dirigent en sonnant vers l'endroit où sera tiré le feu d'artifices, entourés par les badauds et dans l'obscurité presque complète : ce n'est certainement pas facile pour eux et cet environnement doit être sans doute inhabituel pour eux. Christine reste gentiment avec moi car je n'ai pas voulu m'aventurer avec ma béquille au milieu de la foule sur l'étroite bande de terre qui longe le marais. Nous nous contentons de la musique lointaine et du défilé silencieux des barques décorées.

Vers 22h00 le bagad revient place des Frênes et joue une dernière fois en formation pour signifier la fin du défilé des barques. Après s'être désaltérés, plusieurs musiciens troquent leur bombarde ou leur cornemuse pour d'autres instruments (accordéon et clarinette) et se mettent à jouer pour faire danser les personnes restées autour d'eux. Les percussionnistes s'y mettent aussi, au centre des danseurs et nous assistons en fait à un mini bal folk improvisé qui va durer au-delà de 23h00 ! Et puis il faut bien aller se coucher car la journée de demain sera longue. Les deux gamins que nous hébergeons se plantent devant la télé et nous les laissons pour aller au lit.

Bagad NominoëLe lendemain tout le monde, sonneurs de Nominoë et hébergeurs de Brug Arvor, a rendez-vous à la salle des fêtes de Bellevue, pour un repas en commun. Un apéritif est servi à l'extérieur, puisqu'il fait beau et chaud. Avant de passer à table, Solène fait une démonstration de sa cornemuse berrichonne, si différente de la grande cornemuse écossaise. Du coup tous les jeunes musiciens veulent l'essayer, avec plus ou moins de réussite.

La veille j'avais demandé au porte-drapeau et au président de Nominoë s'ils accepteraient de sonner pour l'anniversaire de Christine. Ils avaient bien sûr accepté et au dessert deux sonneurs de bombarde se lèvent et vont encadrer Christine en lui jouant "Joyeux anniversaire". Je crois qu'elle a été totalement surprise et du coup très émue. J'ai évidemment immortalisé la scène en vidéo. Après le déjeuner les sonneurs vont dans la cour chauffer les instruments. Quand ils sont prêts ils se mettent en formation et défilent de façon à passer en musique devant toutes les résidences de personnes âgées.

Pour quitter Bellevue en direction des marais, je monte dans le car du bagad. Bien que la route ne soit pas longue l'ambiance est immédiatement chaude, avec chants et blagues qui fusent tous azimuts. Le car se gare avenue Max Dormoy, comme prévu avec la mairie, et nous gagnons la place des Échalotes en prenant le petit bac mis en place pour l'occasion depuis le quai des maraîchers. La scène est en plein soleil, les musiciens vont avoir chaud. L'organisation cafouille un peu et le retard s'accumule. Du coup les sonneurs ne joueront que deux fois au lieu de trois, en allongeant leurs prestations. Le bagad est en formation concert, avec les percussions posées sur les supports adéquats. La foule sur la place et le long des quais est très dense, sans doute autant pour les animations sur les marais (natation, kayak, barques) que pour le bagad. Nominoë propose des T-shirts à la vente sur un stand qui leur a été réservé.

Bagad NominoëÀ cause des contraintes horaires du chauffeur de car, nos amis sonneurs doivent impérativement partir avant 17h15. Je leur dit au-revoir sur la place car, en tant que président, je dois assister au pot offert par "Patrimoine marais" aux officiels de la mairie et je ne peux malheureusement pas les accompagner à leur car. Au pot pour la mairie je découvre une boisson sans alcool au mélange pomme et framboise, faite par des maraîchers, qui est excellente.

Quand le bagad est parti, Christine et Solène reviennent place des Frênes pour l'initiation aux danses bretonnes, prévue et annoncée dans le programme et au micro. Solène accepte d'assurer la musique au pied levé, en remplacement des musiciens déserteurs de Brug Arvor. Il n'y a qu'une poignée de personnes qui s'essayent aux danses, entraînées par des danseurs de Brug Arvor, restés eux aussi.

Après environ une heure d'initiation nous rentrons enfin à la maison, fourbus mais extrêmement contents de ce week-end, où le rêve d'inviter un bagad complet à Bourges s'est enfin réalisé.

Bagad Nominoë